Georges Gusdorf

Lorsque notre école a été créée en septembre 2008, elle ne portait pas de nom. Nous avons longtemps réfléchi avant de la baptiser car nous ne souhaitions pas stigmatiser nos élèves.
En effet, notre établissement est spécialisé dans l’accueil et l’accompagnement des élèves intellectuellement précoces, que l’on désigne également par la terminologie de « surdoués » ou « à haut potentiel ».

 

Pour nous, ce type de fonctionnement intellectuel ne correspond pas à une intelligence supérieure mais plutôt à une façon d’apprendre complexe, une pensée en arborescence associée à un rapport au monde empreint d’une grande sensibilité.
Nous ne souhaitions donc pas donner à l’école le nom d’un génie universel comme Léonard de Vinci ou Mozart mais plutôt celui d’une personne qui aurait, de par son œuvre, développé une vision du monde complexe, une méthode de pensée amenant à faire des liens entre les différentes domaines de la connaissance et porteuse de valeurs.

 

Car, au-delà de notre recherche d’une personnalité qui aurait pu montrer la voie à nos élèves d’une façon d’appréhender le monde en adéquation avec leurs qualités naturelles, nous recherchions également à promouvoir une certaine idée de l’enseignement et une pédagogie spécifique.

 

Lors de la rédaction de ma thèse sur le sujet Esprit d’enfance et Romantisme, j’ai découvert l’œuvre de Georges Gusdorf et notamment ses deux livres sur le Romantisme : Le Savoir romantique et L’Homme et la nature. Cet ouvrage a été pour moi une révélation, la révélation d’une façon de voir et de penser qui était celle des romantiques mais au travers de laquelle Georges Gusdorf exprimait ses propres valeurs.
Quoiqu’indirectement, cet ouvrage a été en partie à l’origine de la fondation de l’école car l’auteur y développe la possibilité d’un autre accès à la connaissance que celui de l’école traditionnelle.

 

La lecture de Mythe et métaphysique est venue confirmer l’originalité de Georges Gusdorf sur cette question puisque selon lui : « Il n’y a de vérité pour l’homme qu’une vérité humaine. » Cette idée, associée dans son Histoire de la pensée occidentale à une vision du monde qui tente de réunir au lieu de séparer, nous semblait très représentative à la fois du besoin de globalité qu’éprouvent nos élèves lorsqu’ils abordent la connaissance, et à la fois de ce que nous souhaitions leur transmettre.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé que le nom de Georges Gusdorf serait idéal pour identifier une école telle que la nôtre.

 

C’était également pour nous une façon de rendre hommage à ce grand homme et de mieux faire connaître sa pensée, qui n’a pas connu jusque-là la postérité qu’elle méritait.

 

Nous tenons d’ailleurs à remercier de nouveau la famille de Georges Gusdorf pour nous avoir donné cette autorisation.

 

Plus récemment, la lecture de Pourquoi des professeurs ? est venue nous conforter dans notre choix, si c’était nécessaire, puisque dès 1963, Georges Gusdorf mettait en cause l’école telle qu’elle était conçue et se fondait déjà, pour développer sa thèse, sur la « prise de conscience très vive du progrès des connaissances et des transformations de notre univers » (1).

 

Dans son livre, Georges Gusdorf évoque l’un des rôles du maître, que reprend l’un des grands principes fondateurs de notre école. Pour lui : « Le rôle du maître apparaît […] comme celui de l’intercesseur ; il donne aux valeurs une figure humaine. L’enfant, l’adolescent, celui qui est en quête de lui-même, […] démasquant une identité qui s’ignorait, permet à la personnalité de passer à l’acte et de se choisir elle-même telle qu’elle se souhaitait depuis toujours. »

 

Nelly Dussausse

Ce texte est tiré de : Georges Gusdorf (1912-2012) : plaidoyer pour l’humanisme, sous la direction de Nicolas Gusdorf, en hommage au philosophe pour le centième anniversaire de sa naissance, numéro spécial 2013 de la revue le portiQue, revue de philosophie et de sciences-humaines

 

 

 

(1) Jean Cazeneuve, Nouvelles littéraires, cité dans l’édition Payot.